Le coup de massue fiscal sur le CBD

Quand Bercy confond herbe apaisante et tabac nocif

On pensait la filière CBD enfin sortie du brouillard réglementaire, après des années de va-et-vient administratifs, d’arrêtés suspendus et de débats stériles. Mais non. Depuis le 20 octobre, à l’Assemblée nationale, le projet de loi de finances 2026 replonge le secteur dans une purée de pois digne des pires jours de 2021.
En cause : deux articles du texte budgétaire qui font trembler les producteurs, les distributeurs et les consommateurs. L’or vert du chanvre pourrait bientôt se transformer en simple souvenir de serre.

Une filière en plein essor… bientôt étouffée ?

En quelques années, la France est passée d’une poignée de pionniers à une véritable filière agricole. Près de 1 000 exploitations recensées en 2025, contre une trentaine à peine en 2019. Des agriculteurs qui ont investi dans des serres, du matériel, des séchoirs, des variétés homologuées et une image de transparence pour répondre aux exigences du marché légal.
Mais la nouvelle orientation fiscale vient leur couper l’herbe sous le pied.

Arthur Gallien-Gy, producteur en Côte-d’Or depuis 2022, résume le sentiment général :

« Si c’est adopté, c’est fini. Je change de boulot. »
Un cri du cœur qui résonne dans toute la filière, déjà fragilisée par des années d’incertitudes réglementaires.

Deux articles qui sentent la poudre (et la taxe)

Le projet de loi de finances 2026 ne fait pas dans la dentelle. Deux articles, en particulier, agitent le monde feutré du CBD comme un coup de vent sur une plantation mal arrimée.
D’un côté, une taxe d’accise digne du tabac. De l’autre, un encadrement restrictif de la distribution et de la publicité. Résultat : une filière qui se demande si elle ne s’est pas fait rouler dans la farine… ou dans le pollen.

Une taxe d’accise à 25,7 % : le même sort que le tabac

L’article 23 du projet de loi introduit un droit d’accise de 25,7 % sur les produits de CBD à fumer (fleurs, résines, e-liquides contenant du cannabidiol).
Autrement dit, les autorités fiscales aligneraient le CBD sur le régime du tabac, alors même que le CBD n’est ni psychotrope, ni addictif, ni toxique.

Pour les petits producteurs, le calcul est simple : entre les coûts de culture, les analyses en laboratoire, la TVA et cette nouvelle taxe, les marges fondent comme un joint au soleil.
« Ce n’est plus viable. On nous encourage à cultiver du chanvre, mais on nous traite comme des cigarettiers », déplore un producteur de la Drôme.

Une confusion politique persistante

Le paradoxe est saisissant : d’un côté, l’État reconnaît officiellement que le CBD n’est pas une drogue (arrêt du Conseil d’État, décembre 2022). De l’autre, il fiscalise ce même produit comme s’il s’agissait d’une substance nocive.
Une approche incohérente, dénoncée par les syndicats de la filière et plusieurs parlementaires, qui rappellent que le chanvre bien-être représente des centaines d’emplois ruraux, des millions d’euros d’investissements et une alternative écologique aux cultures intensives.

Une filière déjà fragilisée

Avant même ce projet de loi, les acteurs du CBD faisaient face à un environnement instable :

  • des règles d’étiquetage et de teneur en THC mouvantes,
  • des contrôles administratifs hétérogènes,
  • des difficultés d’accès au financement bancaire,
  • et une image publique encore associée, à tort, au cannabis récréatif.

Pour beaucoup, cette nouvelle taxation sonne comme le coup de grâce. Certains envisagent déjà de délocaliser leur production vers des pays européens plus favorables, comme la Suisse ou la République tchèque, où le CBD est reconnu comme une activité agricole légitime.

Un secteur qui demande clarté et cohérence

Ce que réclame aujourd’hui la filière, ce n’est pas une subvention, mais une réglementation stable, lisible et proportionnée.
Le CBD n’est pas un produit de luxe ni un vice à taxer. C’est une culture à fort potentiel économique, environnemental et thérapeutique. La France, premier producteur européen de chanvre industriel, pourrait en être un leader.
À condition, toutefois, de ne pas étrangler sa propre filière sous prétexte de remplir les caisses de l’État.


En résumé

Le « coup de massue fiscal » sur le CBD ne menace pas seulement une économie en croissance. Il symbolise l’incompréhension persistante entre un secteur en quête de reconnaissance et une administration qui peine à sortir du réflexe prohibitionniste.
À force de traiter le CBD comme du tabac, la France risque de fumer… la dernière chance de structurer durablement cette filière verte.

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